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Vincent Laval
Stère
Pour mesurer un arbre, on peut prendre en compte la circonférence de son tronc, l’étendue de sa ramure, sa hauteur à partir du sol. Il est déjà plus difficile de prendre en compte les racines, souterraines, invisibles. Pour mesurer un arbre, on peut chercher son âge dans les cernes de croissance, faire une estimation à partir de son diamètre, faire un carottage, ou tout simplement le couper. Pour mesurer un arbre, on peut compter le volume de bois débité, un stère pour se chauffer, alimenter l’industrie mais il faut donc que l’arbre meurt. Il faut attendre encore que le bois sèche, que la sève le quitte tout à fait. Observateur attentif des forêts, Vincent Laval sait que le travail du bois est un travail qui ne peut être pressé. Ses sculptures se font ainsi avec le temps et nous aident surtout à prendre la mesure de notre échelle humaine. La hache en verre qui fait partie de l’installation Foyer ou le cadre fabriqué en dents de scie renvoient à des vanités ; des matériaux, des formes qui persistent hors d’une utilité. Des objets de coupe qui ne survivent pas dans la durée aux arbres qu’ils abattent.
Au travers de l’exposition Stère, Vincent Laval envisage le cycle de vie d’une forêt, loin d’une perspective productiviste, d’une branche tombée à la coupe du bois. Les sculptures et installations qu’il propose comme Foyer ou Intérieur des bois, cristallisent ce que ces lieux ont pu avoir de symbolique au travers des siècles et des civilisations : lieux de passages et de travail, lieux d’initiations et de réunions mystiques. Les poèmes de l’artiste appellent au recueillement et à la contemplation. Sa démarche qui s’appuie sur l’écoute et l’observation ainsi que de nombreuses marches en forêts est attentive aux relations entre les vivants. Un épicéa ne grandira pas avec les mêmes besoins qu’un châtaignier et feuillus et conifères qui se partagent les forêts génèrent des interactions qui ne cessent aujourd’hui d’étonner les scientifiques à mesure qu’elles sont découvertes.
Suivant les gardes forestiers de l’ONF dans leurs rondes, comme les chercheurs au travers de leurs publications, Vincent Laval procède par prélèvement. Pour éviter de provoquer un déséquilibre, l’artiste limite ses prises et adapte son rythme. Il ne fait que ramasser des choses déjà tombées, cueillir au fil de ses arpentages le bois mort, les pommes de pins, les aiguilles au sol. Ainsi la loupe de hêtre que l’artiste creuse au point de faire saillir la “peau” dans Photosynthèse, a son histoire avec laquelle il faut composer. En dotant cette excroissance d’arbre d’une respiration lumineuse, fantastique en quelque sorte, il lui donne une individualité mais aussi une capacité à transmettre. Cette membrane poreuse comme animée par le feu a quelque chose de tactile, de doux qui appelle à voir au-delà des volumes mesurables. Au travers de ses bois, Vincent Laval évoque le récit d’une forêt toujours semblable et toujours différente.
Texte d'Henri Guette, critique d’art
Exposition organisée avec la collaboration de la Galerie SONO