Victor Laks
Panoramas
Exposition
07.05 - 01.06.2008
Reprendre le parcours de Victor Laks revient à décrypter un jeu des formes qui inscrit son écriture dans un espace dont sa main explore les limites autant que l’infini. Dans un premier temps, son œuvre est une invitation à ce qui est en suspension, toujours indéfini, de la lumière à l’éloquence du silence, dans une volonté de faire quelque chose qui se voit.
La peinture est un lieu de rencontre avec des signes, une intuition formelle, ouverts sur l’immanence, la surprise et pourquoi pas la démesure. Celle d’une aventure menée par l’artiste qui nous ouvre des pistes pour un cheminement ininterrompu, tout comme son geste créateur, qui procède de lui-même, et de la nature, animal et végétal confondus, pour une trajectoire persistante, au cœur du labyrinthe plastique mis en place. L’acte de création se raconte, épouse les lois fondamentales du langage et de la pensée pour imposer une vérité perçue et ressentie.
La peinture de Victor Laks revendique un langage actif, ancré dans une expérience primitive où tout prend sens, y compris la quête d’un certain plaisir. De la logique d’une pensée vive, naissent des éléments qui se confondent et s’apprécient, s’attirent et résistent dans le paradoxe d’une écriture foisonnante, identitaire de son langage, toujours prête à subir l’assaut d’une imagination libre.
Ne sous-estimons jamais le regard.
Ouvrons ainsi le parcours avec une des premières peintures de Victor Laks. Elle raconte : l’arbre, l’amour de la nature. L’infini du devenir, du changement, est à chercher dans une dynamique de la forme, une orientation vers le vertical. Irréversible.
L’émergence de l’écriture épouse l’idée d’un palimpseste. Mue par l’automatisme de la création, l’écriture reste aux aguets, tandis qu’un réseau maillé apprivoise le vide, piégé par l’apparition progressive de strates, d’armatures dont chaque ligne réactive les tensions entre les évocations formelles énigmatiques, et les espaces qu’elle ménage. Un fourmillement prolifique aux ramifications tangibles ou parfois, l’horizontale bouscule la verticalité. L’apparition de la matière dans les années quatre-vingt-dix introduit un aspect tactile, qui est mûrissement de l’œuvre dans ses fondements essentiels, sédiment des grands mouvements géologiques dans un récit discursif.
La pratique sérielle met en abîme le dialogue fécond entre le support et l’écriture, entre le fond et la matière. Avec la série des encres sur papier, le duel entre la consistance et l’éphémère réactive son geste pour un affrontement radical entre le papier (un papier d’Arches épais) qui résiste, et la fluidité de l’encre sépia. Du grattage adviennent des signes arrachés à la lumière qui sourd insensiblement des interstices ainsi mis à jour. Arcs brisés ou arcs boutant tendent à une verticalité tout en creusant la spatialité.
La matité de l’acrylique, plus ou moins diluée, à laquelle peut se mêler du sable, inscrit dans les zones de lumière une dimension inattendue, échappant à toute radicalité.
Les poussées lancéolées franchissent les limites du cadre, poursuivant dans l’inconnu leur trajectoire libertaire et mystérieuse. L’apparition du rouge relance le côté archéologique de la peinture (simulation des vieux murs), de même la part de hasard laisse-t-elle jouer les taches accrochant les fibres, comme si nul artiste ne pouvait l’abolir. Cette invitation à entrer dans le jeu, la peinture de Victor Laks ne cesse de nous la proposer. Ses linéatures vagabondes sont une réponse à tout ce que l’artiste ne contrôle pas, mû par l’immanence du plaisir.
Comment vivent les formes, portées par ce qui est incontrôlé, dans ce qui est contrôlé ? Ici, le blanc et le noir dispensent une mouvance d’une rare profondeur, proposant une tactilité illusoire de cet espace intérieur qui, ailleurs, se laisse submerger par des nervures ponctuelles, rayonnante de la vie jugulée par un regard actif. Gratté, labouré, le papier induit une vibration dans la grille tangible des formes maillées, ouvertes ou fermées. Elles sont les points d‘accrochages, constitutifs du langage de Victor Laks à l’écoute des ruptures et des accords.
Regarder la peinture, en face, de près, de loin, la voir en passant, pour sa vérité, telle est notre part active. Chercher la déréliction dans la délectation, nous dit Victor Laks.
Lydia Harambourg
Historienne Critique d’art
Correspondante de l’Institut de France, Académie des Beaux-Arts
Mars 2008